FIN DU MONDE CE SOIR A MINUIT OUI OU NON LISEZ!!!!!!!!!!!!!!!!!
Si vous lisez ces lignes, vous êtes déjà au courant des prophéties qui annoncent la fin du monde pour le 21 décembre 2012 en se fondant sur le calendrier Maya. Comme nous l’avons déjà écrit ici, le calendrier Maya ne prévoit en fait pas vraiment la fin du monde, mais simplement celle d’un cycle, et l’humanité a déjà survécu à 182 fins du monde annoncées.
Les esprits rationnels et cartésiens ont donc toutes les raisons de ne pas croire que l’apocalypse se produira avant la fin de l’année 2012, mais cela n’empêche pas de nombreuses personnes à travers le monde d’attendre la date (et l’heure) fatidique avec crainte. Parmi eux, certains iront même jusqu’à se rendre à Bugarach, petit village de l’Aude qui a été désigné par les médias comme le seul lieu sur Terre qui résistera à l’Apocalypse, en se fondant sur une croyance new age et des rumeurs qu'Internet a amplifiées.
Ce qui nous amène à la question: si tous les habitants de la planète étaient pris d’une panique de dernière minute et convergeaient vers Bugarach, combien de personnes le village du sud de la France pourrait-il accueillir, et donc potentiellement sauver de l’apocalypse.
Une commune de 26,6 km2
Pour les besoins de notre démonstration, retenons l’hypothèse selon laquelle le Grand Horloger, ou quelle que soit l'entité qui a décidé que Bugarach allait être sauvée, se basera sur le découpage administratif de l’Etat français pour séparer ceux qui auront le droit au salut des autres. Ce qui précise notre question à: combien de personnes peuvent tenir sur un territoire de 26,6 kilomètres carrés, soit la surface de la commune de Bugarach selon le cadastre?
Il faut d'abord déterminer quelle surface prend un être humain debout. Une tâche complexe, puisque la surface occupée dépend beaucoup de la corpulence. Basons-nous sur les calculs effectués lors des manifestations pour déterminer le nombre de manifestants. Les syndicats ont pour habitude de compter entre 1 et 1,2 personne par mètre carré.
Parions sur le fait que les personnes ayant fait des milliers de kilomètres jusqu’à Bugarach pour ne pas mourir soient prêtes à s’entasser un peu, d'autant plus qu’un mètre carré semble à vue de nez laisser pas mal de marge, et retenons le chiffre de 1,2 personne par mètre carré.
Le chiffre de la Bête
Etant donné qu’il y a 1.000.000 m2 dans un kilomètre carré, nous arrivons au calcul suivant pour connaître le nombre de personnes pouvant tenir dans 26,6 km2:
26,6 x 1.000.000 / 1,2 = 22.166.666,6666…
Vous avez bien lu! Selon nos calculs, le nombre de personnes qui peuvent s’entasser à Bugarach pour survivre à la fin du monde comporte un nombre infini de 6, le chiffre de la Bête.
Mais pas si vite. La commune de Bugarach abrite la partie occidentale du Pech de Bugarach, point culminant du massif des Corbières avec ses 1.230 mètres d’altitude. Le village étant à 480 mètres d’altitude, le dénivelé entre le village et le sommet du pic est de 750 mètres.
Certaines pentes abruptes du pic ne peuvent donc pas accueillir les hommes, femmes et enfants fuyant la fin du monde, réduisant ainsi un peu la superficie utilisée pour le calcul. Mais cette réduction de la superficie est compensée, au moins en partie, par les 163 maisons que compte la commune selon le dernier recensement de l’Insee, dont beaucoup comportent un voire plusieurs étages, créant de la surface supplémentaire pour entasser des personnes. Il faut aussi prendre en compte le fait que le pic est traversé par des galeries souterraines que l'on pourrait utiliser.
Restrictions
Au final, on peut estimer que la surface sur laquelle on peut mettre des êtres humains debout dans la commune de Bugarach se rapproche de la superficie officielle de 26,6 kilomètres, et qu’une estimation à 22 millions de personnes sauvées, si elle comporte évidemment une marge d’erreur, n’est pas trop éloignée de la vérité.
Bugarach peut donc accueillir aujourd’hui toute la population de l’Australie, tous les chômeurs et sous-employés des Etats-Unis, toutes les personnes qui déclarent au moins une déficience physique ou mentale en France ou encore tous les drogués des
Etats-Unis, si tant est que ces groupes décident de venir survivre à la fin du monde au pied du Pech.
Mais deux obstacles resteraient encore à surpasser. D’abord, le pic de Bugarach sera interdit d'accès entre le 19 et le 23 décembre, et le village, ainsi que trois autres alentours, seront sous haute protection, avec des barrages routiers et des laissez-passer pour les habitants et pour les journalistes. Et dans l’hypothèse peu probable où 22 millions de personnes parviendraient à se rendre sur place, elles n’auront pas le droit de dormir. Il faudrait en effet une surface plus grande que celle de la commune pour contenir tout ce petit monde allongé.
Etats-Unis, si tant est que ces groupes décident de venir survivre à la fin du monde au pied du Pech.
Mais deux obstacles resteraient encore à surpasser. D’abord, le pic de Bugarach sera interdit d'accès entre le 19 et le 23 décembre, et le village, ainsi que trois autres alentours, seront sous haute protection, avec des barrages routiers et des laissez-passer pour les habitants et pour les journalistes. Et dans l’hypothèse peu probable où 22 millions de personnes parviendraient à se rendre sur place, elles n’auront pas le droit de dormir. Il faudrait en effet une surface plus grande que celle de la commune pour contenir tout ce petit monde allongé.
Allons-nous, oui ou non, tous mourir le 21 décembre 2012 comme l’aurait prédit le calendrier maya? Alignement maléfique du soleil avec le centre de la Voie lactée; inversion des pôles magnétiques; collision de la Terre avec une planète; cataclysmes dont l’ouragan Sandy ne serait qu’un avant-goût …
L’apocalypse promise par des experts et prophètes plus ou moins illuminés revêt des formes variées. Le mouvement New Age se focalise depuis la fin des années 70 sur cette date maya de fin du (d’un?) monde. Une affirmation théorisée par Roger Argüelles dans son livre «Le facteur maya» paru en 1987, mais qui ne pourra malheureusement jamais vérifier la véracité de sa thèse puisqu’il est mort l’an dernier.
Depuis, au gré des découvertes archéologiques et d’élucubrations astronomiques et astrologiques diverses, la date théorique de la fin des temps ne cesse de faire débat. Au fur et à mesure que l’échéance se rapproche, certains la reportent à 2020 ou 2036, d’autres à 2116 (ouf). En tout cas, anthropologues, linguistes et historiens semblent aujourd’hui presque tous d’accord sur un point: les Mayas ne voyaient dans cette date que la fin d’un cycle (d’un peu plus de 5.000 ans), et non la fin du monde.
«Comme la plupart des peuples mésoaméricains, les Mayas avaient une notion du temps très différente de nos sociétés», souligne l’anthropologue et historienne Danièle Dehouve. A la conception cyclique de ces civilisations anciennes s’oppose celle, apocalyptique, de la nôtre. «Mais notre société est dépourvue de dates conventionnelles. Elle a certes un début, qui n’est que probable, et ne dispose d’aucune échéance future. Les courants apocalyptiques vont donc chercher ces dates dans d’autres sociétés».
Au point que, récemment, des populations mayas du Guatemala se sont publiquement indignées de cette dénaturation de leur culture passée.
Le 21 décembre 2012 n’en est pas moins une date fondamentale, comme l’a confirmé une découverte récente, même si le décryptage de la langue des Mayas et la découverte de leur calendrier spécifique, «le compte long», ont été très laborieux, et conservent encore une part de mystère. Il faut dire que la «splendeur maya» n’a duré qu’une courte période, entre 250 et 900 après J-C. Autrement dit, à l’arrivée des Conquistadors en 1521, les puissantes cités mayas du sud du Mexique, du Guatemala, du Honduras ou du Salvador étaient désertées, à l’abandon depuis plusieurs siècles.
Ne restaient plus, comme témoignages de cette civilisation, que des inscriptions sur des pierres (glyphes). D’autant qu’un moine franciscain Diego de Landa, envoyé vers 1550 au Yucatàn évangéliser les peuples indigènes, s’était empressé d’organiser de terribles autodafés, brûlant des tonnes de précieux documents mayas. Mais paradoxalement, c’est aussi ce moine pyromane qui, à partir d’informations recueillies auprès des derniers lettrés, a compilé, dans un célèbre rapport, les premières bases nécessaires pour tenter de décrypter la langue et l’écriture maya.
Le compte long et le zéro mayas
«Toutes les sociétés mésoaméricaines avaient une vie rituelle intense, rythmée par un grand nombre de cycles différents», explique Danièle Dehouve. Elles utilisaient deux types de calendriers, le «haab», calendrier solaire de 365 jours, et le «tzolkin», calendrier rituel de 260 jours (13 mois de 20 jours, permettant de coordonner les cycles de Mars, Vénus, Saturne et Mercure). Ces deux cycles s’articulaient parfaitement entre eux et «tombaient le même jour» une fois tous les 52 ans, durée qu’on a appelé le «siècle mexicain».
Or, si la civilisation maya était déjà éteinte lors de l’arrivée des Espagnols, celle des Aztèques était encore bien vivace. Les Espagnols ont donc pu déchiffrer leurs calendriers en mettant de grandes dates en correspondance avec le calendrier chrétien. «En 1521, le long compte maya était oublié depuis longtemps. Mais lorsqu’on a découvert son existence au XIXe siècle, la maitrise des deux calendriers solaire et rituel a permis d’en déchiffrer les dates», explique Danièle Dehouve.
Selon elle, ce long compte était d’abord destiné à situer les rois mayas dans un contexte «mythico-historique». Construit à partir de mois de 20 jours, d’années de…360 jours, de katuns (20 ans) et de baktuns (400 ans), ce calendrier complexe, complémentaire des deux autres, est unique puisqu’il invente le chiffre zéro, ou du moins un point de départ correspondant selon la plupart des spécialistes au 12 août 3.114 AVJC. Une date corrigée à plusieurs reprises au fil des découvertes. «La nature du zéro maya est encore sujet à controverse», reconnait Jean-Michel Hoppan, ingénieur d’Etudes au CNRS. En 20 ans, il y a eu des avancées considérables dans la compréhension de l’écriture, mais nous ne disposons pas, hélas, d’une pierre de rosette maya».
La découverte en 1980 d’un glyphe sur le site de Tortuguero au Mexique, fut en tout cas déterminante pour éclairer le «long compte» maya. La date de fin de cycle y est découverte pour la première fois. Il s’agit de l’achèvement de 13 baktuns depuis le point zéro (13 x 400 ans de 360 jours, soit 5.126 de nos années) correspondant donc au 21 décembre 2012. C’était la seule référence —d’ailleurs très énigmatique— dont disposaient les experts jusqu’à très récemment.
Mais en mai dernier, une autre mention de cette date est découverte sur le site de La Corona, au Guatemala. Déchiffrée par l’épigraphiste américain David Stuart, cette inscription datant de 696 après JC, est, cette fois, beaucoup plus lisible. La stèle parle d’un roi, de la cité de Calakmul, qui aurait présidé des cérémonies marquant la fin d’un cycle de 13 katuns (13 X 20 ans). David Stuart a estimé que l’inscription du 21 décembre 2012 correspondait au cycle suivant, soit 13 baktuns (13 étant un chiffre très important dans la subtile mathématique maya).
Rendez-vous en 4772… ou plus tard
La thèse de la fin du monde en 2012 a, en revanche, été déboulonnée dès 2010 par une autre découverte scientifique, cette fois dans la cité mexicaine de Palenque. Sur l’inscription d’un temple, on peut lire une évocation du roi Pakal, qui enchaine les rituels pour mettre fin à une série de malheurs. Il recommande à ses successeurs de faire de même régulièrement et ce, jusqu’à une date anniversaire de sa propre intronisation (615), se situant 20 baktuns (20X 400 ans) plus tard; soit le 14 octobre 4772!
Pour Danièle Dehouve, «cela montre qu’ils pouvaient toujours passer à un cycle plus grand s’ils en avaient besoin [20 est un autre nombre clé des Mayas, ndlr]. La démarche pouvait se reproduire à l’infini, mais il est peu probable que la notion d’infini les intéressait. Ce qu’ils voulaient, c’était situer leur roi sacré au centre d’un cycle toujours plus long».
Exit, donc, l’hypothèse d’une fin du monde d’ici la fin décembre. Même si le petit village audois de Bugarach (censé être, selon certains gourous ésotériques, l’un des seuls endroits sur Terre échappant à l’apocalypse) se prépare déjà à une invasion de visiteurs jouant pour la plupart à se faire peur. «En France, la prophétie ne «prend pas», constate Danièle Dehouve avec amusement. J’ai fait récemment plusieurs conférences sur les calendriers mésoaméricains en France et au Mexique(1). Ici, j’ai eu très peu de questions sur la fin du monde alors qu’au Mexique, au moins la moitié du public se passionnait pour l’apocalypse. Je pense que cette sensibilité est liée à la forte progression des évangéliques dans le pays, et à l’importance du mouvement New Age». L’intérêt est également très fort aux Etats-Unis, sans doute pour les mêmes raisons.
Des cycles très dangereux
Certes, la flamboyante et brève civilisation maya a tout pour alimenter les fantasmes. Ses calendriers offraient donc ces combinaisons hallucinantes de multiples de 13 ou de 20 permettant de jongler avec les cycles cosmique, de prévoir des éclipses voire même, selon certains chercheurs, la précession des équinoxes (2) même si on n’a encore rien retrouvé prouvant ce dernier point. Au Chiapas et au Guatemala où les Mayas sont encore très nombreux «on continue d’utiliser le calendrier de 260 jours à des fins divinatoires», raconte Jean-Michel Hoppan.
Autre facteur de fascination, la nature dangereuse et maléfique attribuée par les anciens Mayas à chaque fin de cycle, qu’il s’agisse du jour et de la nuit, des saisons ou du cycle de Vénus de 584 jours, particulièrement redoutable. D’où la nécessité des rituels, des offrandes et des sacrifices humains pour s’attirer la bienveillance des dieux et enrayer de possibles catastrophes planétaires. «L’objectif était de deviner pour tenter ensuite d’agir sur les choses, ce qui n’a rien à voir avec la notion de prophétie», ajoute Danièle Dehouve.
Les rites les mieux connus sont ceux qui survenaient de la fin de chaque «siècle» de 52 ans. «On cassait la vaisselle, on jetait les vieux vêtements, les prêtres allumaient un nouveau feu rituel et chacun faisait de même chez soi. Le principe était de nettoyer les “saletés” du vieux cycle et de repartir sur de nouvelles bases, comme on réinitialise un disque dur». Ce que Jean-Michel Hoppan appelle un «réallumage de l’univers par les dieux».
A défaut d’apocalypse, les adeptes New Age peuvent donc s’attendre à un terrible cataclysme le 21 décembre prochain. Ou espérer, au contraire, que le monde reparte sur des bases plus saines…