UN PAYS EPARGNE PAR L'OCCUPATION ALLEMANDE
Durant la Seconde Guerre mondiale, le Maroc est une véritable terre d'asile pour les réfugiés de toutes origines, fuyant une Europe soumise au joug du nazisme et du fascisme. Il devient un lieu d'étapes pour ceux qui veulent s'enfuir en Amérique, dans les pays neutres ou continuer la lutte en gagnant l'Angleterre.
Pour toutes ces personnes, la vie au Maroc paraît plus douce qu'en Europe occupée. Malgré la pénurie et le rationnement, on y mange mieux qu'en France, qui doit faire face à un véritable pillage organisé par l'Allemagne. De plus, il n'y a pas de couvre-feu ni de terreur policière imposés par les Nazis. La présence allemande au Maroc, outre deux consulats à Tanger et Ceuta, se limite à des commissions militaires germano-italiennes, chargées de vérifier le respect des clauses de l'armistice de juin 1940.
Cette tâche est d'abord assurée par la seule commission italienne d'armistice, assistée par l'inspection du contrôle allemand pour l'Afrique (KIA), jusqu'au printemps 1941. Époque à partir de laquelle l'Allemagne décide d'imposer son contrôle militaire exclusif sur le Maroc. Le général Schulteiss est le chef de cette inspection du contrôle allemand, qui se divise en deux commissions : l'une pour la marine et l'aviation, installée à Casablanca, l'autre pour l'armée de terre, siégeant à Fédala (Mohammedia).
A Casablanca, ces soldats allemands, assez discrets, vivent dans le quartier d'Anfa. S'ajoutent aussi quelques éléments de la Gestapo (police politique allemande) et des membres des services secrets nazis. Durant les premières années de la guerre, Casablanca se transforme, d'ailleurs, en véritable nid d'espions des pays belligérants !
LES MESURES ANTISEMITES
Bien qu'épargné par l'occupation allemande, le Maroc doit s'aligner sur la politique autoritaire et antisémite du régime de Vichy, de juillet 1940 à novembre 1942.
Le Protectorat met ainsi en place les statuts discriminatoires établis par l'Etat français, en 1940 et 1941, qui excluent les juifs de l'enseignement, de la fonction publique et les écartent de secteurs majeurs de la vie économique. A Casablanca, par exemple, 26 avocats juifs sur 30 sont radiés du barreau et 13 médecins sur 16 sont rayés de l'ordre. Parallèlement, 10 000 juifs algériens, vivant au Maroc, sont privés de leur nationalité française et relégués au statut d' « indigène ».
En août 1941, les israélites nouvellement installés dans les « quartiers européens » des villes marocaines depuis 1939, sont contraints, en théorie, de quitter les lieux . A Casablanca, une décision du pacha, en 1937, leur ayant interdit la nouvelle médina, ils n'ont d'autre choix que de s'entasser dans le mellah (quartier juif de l'ancienne médina) ou de quitter la ville.
Ces mesures discriminatoires frappent aussi les enfants israélites. Abraham Serfaty, alors sur les bancs du Lycée Lyautey de Casablanca, racontera plus tard : « s'il n'y eut pas d'arrestations, nous eûmes cependant droit aux interdits et exclusions. Ainsi ma soeur dut-elle quitter le Lycée, le numerus clausus qui la frappait m'ayant en revanche épargné. » Le soir, certains professeurs bravent ces mesures iniques et assurent des cours clandestins à ces jeunes victimes de l'antisémitisme ! Il faudra attendre 1943 pour que tous les élèves juifs retrouvent les bancs de leur classe et leurs camarades.
Enfin, quelques centaines de juifs français et étrangers, d'Europe centrale essentiellement, sont internés dans des « camps de séjour surveillé », véritables camps de travail, répartis sur le territoire marocain, comme à El Jadida, Ain Leuh, Beni Mellal, Bou Arfa, Tadla, Mrirt, Tazmamart, Agdz, et Ghbila. Ils y côtoient d'autres détenus français et marocains, des socialistes, des communistes et des francs-maçons.
Néanmoins, ces internements ne concernent pas les juifs marocains et ne présentent pas de caractères systématique et massif pour les autres. Aucun juif dans le royaume chérifien n'est déporté dans les camps de concentration et de déportation nazis en Europe, échappant ainsi au plus terrible génocide de l'Histoire, surnommé la Shoah, qui entraîne la mort de plus de 5 millions de juifs. Si les israélites du Maroc ont ainsi pu éviter le sort dramatique de leurs coreligionnaires d'Europe, ils le doivent en grande partie à la protection du sultan Sidi Mohammed ben Youssef et aux aménagements de la politique antisémite, qu'ont dû lui concéder les autorités du Protectorat, fidèles à Vichy. Vichy, dont l'autorité s'efface progressivement au Maroc après le débarquement des Américains, en novembre 1942, et avec elle toutes les mesures discriminatoires à l'encontre des juifs.
Près de 250 000 juifs marocains ont donc globalement traversé les années 1940-1942 « à l'abri de toute persécution, la majorité d'entre eux ignorant l'existence de camps de travail forcé qui étaient mis en place au Maroc par le Régime de Vichy. (...) Les juifs marocains avaient subi un certain nombre de mesures comme l'inventaire des biens, mais ils n'ont jamais été inquiétés grâce à la protection salvatrice de feu SM Mohammed V, alors que des juifs français et étrangers avaient été incarcérés en secret par les autorités du Protectorat. » (Serge Berdugo, secrétaire général du Conseil des communautés israélites du Maroc, lors du 60e anniversaire de la Shoah, le 30 janvier 2005).
http://www.edulyautey.org/~marocomb/articles.php?lng=fr&pg=86