La musique et le chant dans l'histoire juive.
Pour introduire ce sujet, je me limiterai à vous offrir ce psaume : «Entonnez, justes, des chants en l’honneur de L’Éternel : aux hommes droits il sied de louer (Dieu) ! Rendez hommage à L’Éternel avec la harpe, célébrez-le avec le luth à dix cordes. Chantez-lui un cantique nouveau, faites résonner avec art vos instruments avec acclamations.» Livre 1 des Psaumes. Psaume XXXIII.
ÉCOUTEZ…
1. Retour sur les sources bibliques et les temps anciens :
A/ Dans la Bible :
La musique est uniquement sacrée. Très tôt, dans La Genèse (4,21) une sorte de lyre, le kinnor, est évoquée ainsi que l’ougav ; puis dans La Genèse (31/27), il est mentionné le tof (tambourin). La musique ne remplit alors que des fonctions rituelles. D’autres instruments comme des trompettes furent probablement importés d’Égypte. Le roi David jouait du kinnor pour distraire le roi Saül, quant au récit du transfert de l’Arche Sainte à Jérusalem (2 S 6 ; ch. 15,15-16), il mentionne l’utilisation d’instruments à corde, nevel, de percussions, metsiltayim, d’instruments à vent, ainsi que des chants et des danses.
B/ À l’époque du Second Temple :
Lors des grandes fêtes de pèlerinage, les psaumes de David étaient chantés par des choeurs. Le choeur et l’orchestre du Temple se composaient d’une douzaine de Lévites et de plusieurs instruments (Michna Arakhin 2 ,3). Pour annoncer l’ouverture de la cérémonie du sacrifice du matin, le prêtre sonnait du magréfah. Aux mariages et aux enterrements, on jouait du halil. Mais après la destruction du Temple en 70, les instruments furent interdits dans la synagogue, les rabbins bannirent les chants et la musique instrumentale ; seul le Choffar retentissait à Roch Hachana. Cependant, au IVème siècle, des poèmes (piyoutim) chantés furent joints aux prières. C’est vers le quart du premier millénaire que la fonction de soliste, le chantre ou hazan voit le jour.
2. Évolution à travers le monde :
A/ Dans le bassin méditerranéen, en Espagne et en terre arabo-musulmane :
Dans l’Espagne médiévale, la coexistence juive et chrétienne donna naissance au ladino, chants profanes en judéo-espagnol qui après l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492 donnèrent un folklore juif andalou aux pays d’exil comme le Maroc et dans les Balkans et qui constitue encore aujourd’hui un patrimoine musical juif (romances, complas, canticas).
À la fin du XVIème siècle, des poètes comme Menahem de Lonsano et Israël Najara, influencés par l’école kabbalistique de Safed, composèrent des poèmes sacrés sur les modèles des chansons populaires turques ou arabes.
Les Juifs des pays musulmans devinrent aussi d’excellents musiciens experts en musique classique arabe.
B/ Dans le monde ashkénaze :
De même, des contacts se créent, les Juifs d’Allemagne et du nord de la France imprègnent les chants bibliques de mélodies locales à l’exception de certaines prières comme celle du Kol Nidré.
Au Moyen Âge, avec la naissance du mouvement kabbalistique puis plus tard à partir du XVIIIème siècle avec le hassidisme, on retrouve l’essence divine de la musique.
Ainsi, après la grande période de migration du Moyen Âge, les Ashkénazes s’installent partout en Europe. À la fin du XVIème siècle, dans les synagogues d’Allemagne, on entend de la musique chantée par le hazan accompagné d’un soprano et d’une basse.
En Italie du Nord, à Amsterdam et dans le sud de la France, des cantates sont composées.
Ensuite, le judaïsme réformé introduit choeur et orgue dans les synagogues. La musique profane (klezmer) fait alors aussi partie des festivités.
Le poème liturgique "lekha dodi" fut écrit par un kabbaliste et le fait de chanter des zemirot lors des repas de chabbat est devenu une coutume.
3. La musique contemporaine :
A/ Musique classique :
Avec l’émancipation et l’intégration, la multiplicité des échanges, la notion de musique juive est difficilement définissable surtout si celle-ci est détachée d’un contexte culturel et liturgique juif.
Pour ne pas cantonner les musiciens selon leur origine juive ou selon la thématique de leurs morceaux, je vais simplement passer en revue des musiciens juifs qui ont exercé leurs talents au profit d’un public universel et profane. Parmi les compositeurs les plus connus :
Fromental Halévy, Isaac Strauss, Jacques Offenbach, Gustav Mahler (qui en Autriche devra se convertir au catholicisme pour diriger l’opéra de Vienne), Darius Milhaud. Parmi les chefs d’orchestre et interprètes avec une prédominance dans le violon : Yehudi Menuhin et Isaac Stern.
B/ Comédie musicale et Jazz :
Les États-Unis offrent aux compositeurs juifs fuyant l’antisémitisme européen un pays d’accueil. Hollywood attire et un grand nombre de comédies musicales seront écrites par des musiciens juifs ("West Side Story" musique de Léonard Bernstein, "Porgy and Bess" de George Gershwin).
Après la création de l’État d’Israël, des comédies musicales s’inspirant de la vie juive américaine sont composées dans lesquelles on retrouve le patrimoine folklorique et liturgique yiddish.
Parmi les chanteurs les plus connus, retenons Paul Simon, Art Garfunkel et Barbra Streisand.
En France, citons Barbara, Frida Boccara, Serge Gainsbourg , Enrico Macias, Régine , Michel Berger, Jean-Jacques Goldman, sans pour autant revendiquer pour tous une identité juive. Talila, elle, chante le répertoire yiddish.
En Israël enfin, la poésie ancienne, le folklore hassidique ou orientaliste sont une grande source d’inspiration.
Nous avons pu voir la présence constante de la musique dans nos vies qu’elle soit sacrée ou profane.
Langage de l’affectivité, la musique peut agir sur nos émotions. Elle s’adresse à la fois au corps, à l’esprit et aux sens. Elle contient les rythmes, la mélodie, elle s’adresse à la sensibilité et à la mémoire et comme les kabbalistes le pensent, elle est par là même d’essence divine.