Le capitaine de "L'Exodus" est mort

BARUJ DAYAN EMET, PAIX A SON AME

Le capitaine de "L'Exodus" est mort
Par JPOST.FR
24.12.09

"L'Exodus" a perdu son capitaine, Ike Aranne, qui s'est éteint dans le nord d'Israël, à Hadera. Il avait 86 ans. L'histoire du navire, qui tentait d'emmener en Palestine des rescapés de la Shoah, avait ému le monde entier.

Ike Aranne (né Itzhak Aronowicz) est mort à la suite d'une longue maladie, a-t-on appris auprès de sa fille Ella. Né en Pologne en 1923, son rôle à bord de "L'Exodus" devait le marquer à jamais, selon sa fille. "C'était l'une des choses les plus importantes de sa vie. Ce n'était pas un grand conteur, mais il était heureux d'en parler aux élèves dans les écoles." Arrivé en Israël à l'âge de 10 ans, l'homme était un passionné de la mer, et a travaillé toute sa vie sur des bateaux.
"'L'Exodus" avait profondément influencé le capitaine et ses amis. Ce furent des jours qui les définirent, et pour eux, définirent le caractère de ce pays", a-t-elle ajouté.

Dans un communiqué, le président israélien Shimon Peres a rendu hommage mercredi à cet homme d'une personnalité "unique, mélange d'esprit pionnier, de courage et d'amour de son peuple".
"L'Exodus 1947" avait quitté la France en juillet 1947 avec plus de 4.500 personnes à son bord, pour la plupart des survivants de la Shoah et d'autres Juifs déplacés pendant la guerre, dans une tentative secrète d'atteindre la Palestine sous mandat britannique.

De l'ironie de l'Histoire

A l'époque, la Grande-Bretagne limitait strictement l'immigration des Juifs et la marine britannique avait arraisonné le navire au large des côtes palestiniennes. Ben Gourion, alors chef de la communauté juive de Palestine, avait ordonné aux Juifs de se rendre. Aranne et son équipage décident de désobéir et une bataille à bord éclate. Résultat : trois morts et une douzaine de blessés. Les Britanniques renvoyèrent alors "L'Exodus" et ses passagers d'abord vers Haïfa puis vers l'Europe, où les réfugiés furent contraints, ironie de l'histoire, de débarquer en Allemagne.

Le douloureux périple de "L'Exodus" a été rapidement raconté dans le monde entier, suscitant l'émotion. Retracée sous forme de fiction par l'écrivain américain Leon Uris en 1958, l'histoire a été adaptée au cinéma par Otto Preminger en 1960. Paul Newman y incarnait un personnage inspiré de Yossi Harel, qui commandait la mission de "L'Exodus" en tant que l'un des responsables de la Haganah, l'armée clandestine juive durant le mandat britannique.

Depuis 1993, Ike Aranne vivait dans une maison en forme de bateau, ses fenêtres donnant sur la mer Méditerranée. Ses obsèques sont prévues vendredi.

Photo: Ariel Jerozolimksi , JPost

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Le livre de l’"Exodus" se referme sur capitaine "Ike"

Yitzhak -Ike- Aronowicz a été porté en terre le jour de Noël au kibboutz Givat Haim près d’Haïfa. Né 86 ans auparavant à Gdansk en Pologne, il a fini ses jours dans sa maison de Rishon Letsion face à la Méditerranée où, à quelques encablures de là, il a contribué à écrire l’une des pages les plus importantes de l’histoire d’Israël. Durant l’été 1947, Ike Aronowicz était capitaine à bord d’un liberty-ship que le mouvement sioniste avait racheté pour faire émigrer vers la Palestine sous mandat britannique, 4 500 rescapés des camps nazis. Le 11 juillet, Ike fait sortir le bateau rebaptisé l’"Exodus" du port de Sète dans des conditions périlleuses, cap sur Haïfa.

Capitaine Ike n’est revenu qu’une fois à Sète, en 1997, pour commémorer les 50 ans de l’odyssée.
Ce jour-là, il s’est longuement attardé sur le môle Saint-Louis où venait d’être redorée la plaque consacrée à l’événement. Il a montré l’endroit exact, côté cul-de-bœuf, où était amarré le vieux "Président-Warfield".

La guerre finie, le mouvement sioniste qui n’avait de cesse de faire pression pour que soit créé un Etat juif en Palestine alors sous mandat britannique, avait racheté le "Président-Warfield" dans la plus grande discrétion. Le projet était simple : mettre la communauté internationale devant le fait accompli en organisant un exode massif des rescapés des camps vers la Palestine, ce dont ne voulait pas la Grande-Bretagne qui craignait un soulèvement des populations arabes.

C’est Ike, enrôlé dans l’unité navale de l’organisation clandestine Haganah, qui sera chargé de l’acheminement du bateau vers Sète, port le moins surveillé de la Méditerranée. Il n’a alors que 23 ans mais est doté d’un tempérament bien trempé.
Grâce à la complaisance des autorités françaises, les convois transportant 4 500 rescapés des camps sont arrivés dans le port héraultais mais sous la pression du gouvernement anglais, la France ne donnera jamais au "Président-Warfield" l’autorisation d’appareiller pour la Colombie. Car le mouvement sioniste s’est bien gardé de déclarer à l’administration la vraie destination du bateau.

Le 10 juillet dans la journée, Ike et les autres responsables de la Haganah apprennent que les autorités portuaires de Sète s’apprêtent à faire déplacer le bateau dans un bassin au-delà des ponts, lui interdisant ainsi tout départ intempestif. Il faut donc faire vite.

On soudoie alors un pilote expérimenté qui promet d’assurer la manœuvre mais celui-ci, une fois empochée une partie de l’argent, ne se présentera pas. Dans la nuit, profitant de ce que les gardes aient été enivrés, trois hommes se glissent dans l’eau et vont larguer quatre des cinq amarres qui retiennent le bateau. La machine est mise en route.

A 3 h du matin le 11 juillet, alors que le mistral n’a pas faibli, Ike, privé de pilote, décide de tenter l’impossible. On remonte les ancres, la dernière amarre est coupée à coups de hache. Mais soudain le câble de celle-ci se tend, pris dans l’hélice. Le bateau n’avance plus. Un membre d’équipage équipé d’un scaphandre, plonge pour tenter de dégager la propulsion. En vain.

Ike sollicite la machine. Par à-coups successifs, le câble finit par rompre. Le "Président-Warfield", lentement, tous feux éteints, manœuvre dans le « cul-de-bœuf ». Tant bien que mal… Il heurte un duc d’Albe en béton avant de parvenir à s’aligner dans ce que Ike croit être le chenal de sortie. Las, une nouvelle fois l’étrave éperonne la jetée. La passe est à l’opposé, il faut faire machine arrière pour gagner le large. Ike tente alors cette ultime manœuvre tandis que des hommes de bord, armés de perches, sondent la passe.
La sortie est proche mais le capitaine n’est pas au bout de ses peines. Lourd à la manœuvre, le rafiot s’échoue sur un banc de sable près du brise-lames. Une nouvelle fois, Yitzhak Aronowicz va faire donner toute la puissance de la machine au risque de la faire exploser. Alors qu’à bord on s’apprête à faire évacuer les passagers, le bateau se dégage enfin.

Au large, il sera pris en charge par un destroyer britannique mais pour bien montrer leur détermination, les hommes de la Haganah fixent sur son flanc un panneau blanc sur lequel est inscrit en lettres noires par référence au livre de la Torah : « Exodus 47 ».