Le Ben Ich Haï
Notre maître, Rabbi Yossef Haïm, plus connu sous le nom de Ben Ich Haï, naquit à Bagdad le 27 Av 1834. Après la disparition de son illustre père, survenue le 13 Elloul 1859, il lui succéda à la tête de la prestigieuse communauté, héritière de la tradition babylonienne.
C’est en 1860, le matin de Chabbat Chouva, qu’il monta à la tribune de la grande synagogue pour donner son premier cours. Non en qualité de Grand-Rabbin, car toute sa vie, il refusa la moindre fonction officielle. Tout le monde comprit alors que l’Eternel avait gratifié Rabbi Yossef tout à la fois d’une immense sagesse, d’un merveilleux don d’enseignant et d’un gigantesque talent d’orateur. Dès lors, le Ben Ich Haï ne cessa, à l’image du roi Salomon, d’initier le peuple à toutes les arcanes de la Torah, mêmes les plus secrètes, tant par ses cours et ses discours que par ses livres. Pour familiariser l’auditoire avec la vérité divine, il se servait d’un vocabulaire accessible à tous, n’hésitant pas à recourir aux exemples que donne la vie quotidienne ou encore aux anecdotes propres à attirer l’attention de chacun, à la retenir et, par ce biais, à lui transmettre le savoir sacré. Il faut souligner, à ce propos, qu’au-delà de ses connaissances véritablement encyclopédiques en Torah, rien de ce qui était humain n’était étranger au Ben Ich Haï, de sorte que, pour élever l’esprit des gens au plus haut niveau, il leur parlait d’abord dans leur propre langage.
Chaque Chabbat, il expliquait à la communauté, lors d’une dracha qui pouvait durer trois heures, la Paracha de la semaine. De plus, chaque matin, à l’issue de l’office de Cha’hrit, encore enveloppé de son Talit et couronné de ses Téfiline, il délectait les fidèles de montagnes de Halakhote agrémentées de récits talmudiques et midrachiques. Puis, une demi-heure durant, il enseignait alternativement les volumes Ora’h Haïm et Yoré dé’a du Choulhan Aroukh. Tous les quatre ans, pour conclure un cycle d’études, le Ben Ich Haï organisait pour tous les érudits de la ville une grande Sé’ouda dont il tenait à assumer lui-même les frais. A cette occasion, il réjouissait son auditoire par un Chi’our fourmillant de merveilleux ‘Hidouchime (interprétations inédites en Torah et en Kabbale). Heureux ces dizaines de milliers d’hommes et de femmes qui ont eu le privilège de le voir et de l’entendre en ces quatre grands Chabbatote de l’année : Chabbat Chouva, Chabbat Hagadol, Chabbat Zakhor, Chabbat Para. Son cours durait alors quatre heures qui, dans l’esprit de ses auditeurs captivés par son enseignement, son charme et sa douceur, sa proverbiale humilité, étaient toujours trop courtes. «Le son de sa voix, disent ces biographes, évoquait le bruit de la mer». De chacune de ses paroles émanait un immense amour pour Erets Israël, et en particulier pour Jérusalem.
N’ayant jamais accepté la moindre fonction, le Ben Ich Haï s’enfermait, des journées durant, dans sa chambre, pour étudier et écrire. Il ne s’interrompait que pour recevoir, avec une joie et une humilité sans commune mesure avec son prestigieux statut tous ceux qui venaient le consulter. En apparaissant au seuil de sa chambre, le moindre élève le voyait se lever, se précipiter à sa rencontre, le faire asseoir près de lui et l’écouter attentivement. De la même manière, l’entretien terminé, le Ben Ich Haï se levait pour raccompagner chacun de ses visiteurs jusqu’à l’entrée de sa maison.
Il veillait à la pureté absolue de son alimentation dans les moindres détails, jusque dans le choix des personnes qui étaient à son service. A ce propos, précisons que, six années sur sept, le Ben Ich Haï s’imposait un jeûne quotidien. Il appliquait ainsi, en se conformant à l’interprétation des Sages, le verset de la Torah à propos de l’esclave hébreu : «Six années durant, il travaillera, et la septième année, il sortira libre», autrement dit : il sortira libéré de son yétser hara’, son mauvais penchant. Ce n’était pas là que l’une des mortifications ou privations auxquelles il s’astreignait. Ainsi, en pleine chaleur de l’été, alors qu’un soleil torride embrassait Bagdad, s’interdisait-il de manger des pastèques, uniquement pour ne pas se laisser entraîner par son envie. Il attendait, pour cela, Roch Hachana et prononçait alors la bénédiction Chéhé’hyanou (Béni est celui qui nous a fait vivre.... jusqu’à cet instant).
Rabbi Yossef Haïm, le légendaire Ben Ich Haï, quitta ce monde le 13 Elloul 1909, en nous laissant ses incontournables ouvrages de Torah et de Kabbale, véritables puits de connaissances auxquels chacun de nous peut s’abreuver.
Que son mérite nous protège, ainsi que tout le peuple d’Israël, Amen.