Ecrasé entre les deux sommets de notre liturgie que sont Roch Hachana (1er et 2 Tichri) et Kippour (10 Tichri), le jeûne de Guédaliah (3 Tichri), perpétue la mémoire d'un homme dont le destin mérite d'être connu et médité.
Après la conquête de la Judée par les Babyloniens de Nabuchodonosor et la destruction du Premier Temple de Jérusalem (586 avant notre ère), le pays connaît une situation politique troublée. Nabuchodonosor doit faire face à la résistance organisée, d’une partie de la population.
Non sans arrières pensées, il nomme, au poste de gouverneur, Guédaliah, un notable judéen, issu d’une famille très influente, puisque son grand-père Shaphan et son père Ahikam furent les conseillers du Roi Josias (640-609 avant notre ère). Il est certain que l’influence de ces conseillers a été considérable sur ce roi qui monte sur le trône, après l’assassinat de son père, alors qu’il n’a que 8 ans.
Autant dire que ce sont eux qui l’ont éduqué et, à en croire la Bible, ce fut une éducation réussie : «il n’ y pas eu un tel roi ni avant ni après lui» (Livre des Rois II chap. 23 verset 25).
Issu d’une lignée de grands commis de l’État, Guédaliah bénéficiait donc d’une grande notoriété et forçait le respect des Babyloniens eux-mêmes. Mais il ne restera gouverneur que quelques mois.
Il sera assassiné par un membre de la secte des Zélotes, Ishmaël ben Nataniya (Jérémie chap. 41 verset I), inspirés et armés par le roi des Ammonites (actuellement Jordanie), ennemi juré de Nabuchodonosor.
Cet assassinat, fut un drame pour la Judée qui perdait ainsi, le seul homme capable de tempérer la rigueur de la domination babylonienne et qui avait su préserver ce qui restait de la vie juive, en obtenant une certaine liberté de culte. Plus près de nous, le 4 novembre 1995, 12 hechvan 5756, Itzhak Rabin, Premier ministre de l’État d’Israël, était assassiné, lui aussi pour ses options politiques, par Igal Amir,membre d’un groupe d’extrême droite. Itzhak Rabin, a acquis ses titres de noblesse sur les champs de bataille, il a rétabli la souveraineté du peuple juif sur Jérusalem (1967 Guerre des Six jours) et a été élu démocratiquement à la tête du pays.
Sa vie fut à l’opposé de celle de Guédaliah, qui a passé la sienne dans les palais, qui a été imposé par une puissance étrangère, et qui s’accommodait, somme toute, de l’occupation de la Ville sainte.
Tout sépare ces deux hommes et pourtant ils ont été réunis dans le même destin tragique parce qu’ils ont eu le courage d’assumer leurs responsabilités dans des moments difficiles.
Autres temps autres moeurs disait le Grec Pindare.
L’histoire montre, au contraire, que c’est le Roi Salomon qui a raison et qu’il n’y a jamais rien de nouveau sous le soleil.
Michel Lévy