Il porte une kippa, le juge menace d'appeler la garde pour qu'il sorte.
Mardi, Raphaël Banon était à la cour d'appel de Paris, première section, deuxième chambre, pour une audience dans une procédure commerciale le concernant. Le président de la chambre, Marcel Foulon, lui a demandé de retirer sa kippa, ou de sortir. « Si vous ne faites pas ce que je dis, j'appelle les gardes », lui aurait-il déclaré, arguant d'une règle établie « collégialement » par lui et ses collègues.
L'incident est rapporté par l'intéressé, ancien grand rabbin de Toulouse et membre du bureau de l'association du rabbinat de France et par son avocat Me Christian Charrière-Bournazel, ex-bâtonnier de Paris. Le président Foulon ne souhaite pas s'exprimer sur cet épisode.
Raphaël Banon, qui dirige une société d'importation de produits casher, a déjà assisté plusieurs fois à des audiences dans des palais de justice, pour des affaires commerciales. « Jamais encore on ne m'avait demandé d'enlever ma kippa », relate-t-il. Sauf une fois :
« C'était le 10 février 2010, devant la même chambre de la cour d'appel, pour la même affaire, et avec le même président. Il m'a discrètement fait signe de l'enlever, et je l'ai fait car je pensais que c'était la loi. »
« La première fois depuis plus de 65 ans »
Quand il a raconté cet épisode à son nouvel avocat, Me Charrière-Bournazel, celui-ci lui a dit qu'il avait tort. L'ancien représentant des avocats parisiens connaît les règles en la matière :
« Quand j'étais bâtonnier, j'ai déjà interdit à un avocat de plaider avec une kippa, et à une avocate de le faire avec un hijab, puisque ce n'est pas compatible avec le port de la robe d'avocat.
Mais pour un particulier, l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme est clair. Les seules limites prévues dans la loi française sont le trouble à la sécurité publique, à l'ordre public ou à la santé publique. »
La loi française interdit le port ostentatoire de signes religieux dans les écoles publiques, mais rien de plus (même si le ministre de l'Intérieur Claude Guéant rêve d'aller plus loin).
L'avocat compte porter cette affaire « jusqu'à Strasbourg », c'est-à-dire jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme, si besoin. Il y voit un symbole, et assume sa formule :
« C'est la première fois depuis plus de 65 ans qu'un juge français ose appeler les gardes pour faire sortir un juif d'une salle d'audience. »
L'affaire a été renvoyée sous huitaine, les avocats de toutes les parties ayant refusé de plaider.