«Les racines juives de mon père, Robert Hossein, remontent à son grand-père, un certain Minkowski»
Un des fils de Robert Hossein, le rav Aaron Eliacheff qui officie à Strasbourg livre son regard sur un père à la carrière éblouissante.
Actualité Juive : Dans l’entretien que votre père nous a accordé, il précise qu’il vous destinait à une carrière de comédien.
Aaron Eliacheff : Je ne sais pas si j’étais un bon comédien. Un peu d’hérédité et une excellente formation m’ont permis d’intégrer par la suite facilement le Conservatoire de Paris : j’ai suivi d’abord le cours Florent, comme tout le monde, ensuite le cours de Pierre Reynal, le professeur de Maria Casarès, qui était un personnage génial.
De nombreuses années après, je l’entends encore réciter Baudelaire, «le Bateau ivre» de Rimbaud, ou bien «Ruy Blas» ou «Lorenzaccio». Il m’arrive aujourd’hui de déclamer dans ma cuisine des vers ou des morceaux de stances de l’un ou l’autre à mes enfants toujours un peu interloqués ! J’étais bien parti pour faire une carrière artistique : à dix-neuf ans j’avais déjà joué dans une pièce montée par Peter Brook et dans un très beau film sur les prisons turques de Ylmaz Guney (qui avait eu l’année d’avant la palme d’or au festival de Cannes). Je n’ai pas choisi entre l’art dramatique et la vocation de rabbin, j’ai plutôt « choisi » entre un judaïsme culturel et un judaïsme existentiel dont la problématique est très bien résumée dans le livre de Marthe Robert « Seul comme Franz Kafka ». Le rabbinat fut un hasard pour moi, suite à une proposition sympathique du grand rabbin René Gutman (grand rabbin du Bas-Rhin, NDLR) à un moment charnière de mon étude et de mon enseignement.
A.J. : Votre père évoque les rôles joués par votre mère, Caroline Eliacheff, et votre beau-père, Marin Karmitz dans votre vocation rabbinique …
A.E. : Je dois à ma mère (1) mon judaïsme, une certaine lucidité, une recherche et un refus des faux semblants qui m’ont permis dans le judaïsme d’éviter les écueils de la religion et du conformisme, mais c’est surtout Marin Karmitz, mon beau-père, dont l’authenticité et les valeurs m’ont mis sur le chemin du judaïsme, concrétisé par la suite par mon maître le rav Yehoshoua Gronstein. Ils se sont d’ailleurs associés pour faire un lieu unique à Paris, l’Association pour le développement de l’Etude que j’encourage chacun à fréquenter.
A.J. : Quid des origines de votre père ?
A.E. : Les racines juives de mon père remontent à son grand-père, un certain Minkowski, que sa générosité, m’a raconté un jour mon père, a sauvé. En effet au moment de la révolution russe il a réussi à s’échapper et à gagner Berlin avec sa fille et sa femme grâce à la clémence des étudiants prorévolutionnaires nourris par ses soins pendant les années précédant la révolution. Je pense que le catholicisme a certainement besoin de gens comme lui, ou comme Jean-Paul II, pour sortir d’un état parfois figé et peu enthousiasmant.
A.J. : Que pensez-vous de son parcours ?
A.E. : J’ai toujours adoré les spectacles de mon père parce qu’il prend toujours beaucoup de risques pour défendre ses visions inspirées et puis mon âme russe sans doute réagit à ses accents mélos. C’est pour moi le spécialiste incontesté du « coup de théâtre » et il a un sens de la résurrection des morts assez impressionnant.
A.J. : Le voyez-vous souvent ?
A.E. : Mes relations avec mon père sont devenues plus régulières ces deux dernières années. Comme le dit si bien le capitaine Haddock à la fin d’une des aventures de Tintin : « Tout est bien qui finit bien ». »
——
(1) – Caroline Eliacheff, fille de Francoise Giroud, était très jeune quand elle a connu Robert Hossein.
Caroline Eliacheff est une psychanalyste française.
Elle est également scénariste de films pour Claude Chabrol (La Cérémonie, Merci pour le chocolat, La Fleur du mal).
Elle est la fille d’Anatole Eliacheff (producteur de cinéma) et de Françoise Giroud (écrivain et femme politique).
Elle a été mariée à Robert Hossein.
Docteur en médecine et titulaire d’un diplôme d’études spécialisées en psychiatrie infantile, elle est psychanalyste depuis 1974.
Elle est président de l’association « la Cause des Bébés ».
Elle anime une chronique hebdomadaire sur France Culture.
Sur le plan politique, elle s’est illustrée par ses prises de position contre le Pacs.
Son fils, le rabbin Aaron Eliacheff, donne des cours de religion à Strasbourg.
Source : Actualite Juive – Numéro 1112 du 25 Mars 2010 – 10 Nissan 5770 –
http://www.www.actuj.com