Fès
Ville aux deux cents Saints, Fès, dont le nom signifierait "la pioche", "la perle", est la plus ancienne des cités impériales; elle est aussi la métropole religieuse, artistique et intellectuelle du royaume. Elle abrite l'Université Qaraouiyine et la mosquée des Andalous. Située dans le Centre Nord du Maroc, à l'extrémité orientale de la plaine fertile du Saïs et au nord des forêts du Moyen-Atlas, Fès est un carrefour des routes de l'Est, du Nord et du Sud, vers le Tafilalet.
L'oued Fès sépare Fès el-Bali, la ville ancienne au nord, où se trouve la médina, et Fès-Jdid, Fès la Nouvelle, au sud, où se trouvent le mellah et la Ville nouvelle européenne. Sa population dépasse le million d'habitants. Fès est déclarée partie du patrimoine universel par l'UNESCO en 1980. Porte bab El Mansour La réhabilitation des trois synagogues du Maroc, Ibn Danan, Mansano et El Fassiyin est en cours. La synagogue Ibn Danan, qui date du milieu du XVIIe siècle a été restaurée et inaugurée en février 1999.
Bourgade berbère, Fès était peuplée par de petites communautés juives et chrétiennes dès l'Antiquité, mais c'est sous le règne de Moulay Idriss Ier qu'elle devint la capitale du royaume.Au IXe siècle, Idriss II y établit le siège de la dynastie et y fit venir des Juifs installés à Fès El-Bali,leur permettant de s'implanter dans le quartier juif (al-Founduk al-Yahudi) contre le versement d'une allocation annuelle.
La communauté prospère et jouit rapidement d'une grande notoriété en Afrique du Nord et en Espagne. Fès est le centre d'étude où rabbins et docteurs se rencontrent dans des yechivot renommées. Au XIe siècle, à la suite de l'avènement des Omeyades et de la conquête almoravide, la communauté décline; une partie est déportée en Algérie, tandis que quelques millliers d'autres sont massacrés par un dément, en mai 1035. Les Juifs de Fès sont tentés par le renouveau messianique du faux messie Moise Dari en 1127 et se convertissent à l'islam sous les Almohades qui remettent en question la protection conférée par la dhimma. Le rabbin-juge de la communauté, Judah ha-Cohen sera brûlé vif pour avoir refusé la conversion. Toutefois, les mohajjirs (Juifs islamisés) conservent leurs croyances et pratiques en privé. Cette situation conduit le grand philosophe Moshé ben Maimon (Maimonide) qui s'installe quelque temps à Fès, à réfléchir à la condition de ses coréligionnaires du Maroc et à conclure qu'on pouvait quand même pratiquer les commandements au Maroc.
Les Mérinides rétablissent la dhimma. Libres de pratiquer l'activité de leur choix, beaucoup de Juifs de Fès s'adonnent au commerce, en particulier avec l'Aragon. Beaucoup se consacrent à l'étude des lettres, des sciences et de la halakha. Cette période de quiétude et de prospérité favorise la renaissance religieuse, scientifique et littéraire. Mais un regain de fanatisme conduit à confiner les Juifs dans un mellah, aménagé en 1438 dans la ville nouvelle de Fès.
Au XVIe siècle, l'arrivée des réfugiés, fuyant la péninsule ibérique transformera profondément la communauté. Megorashim et toshavim vivent séparés géographiquement et culturellement, mais on observe un dynamisme et une effervescence culturelle incontestables. Fès abrite l'une des premières imprimeries en hébreu, qui publia quinze ouvrages entre 1516 et 1524.
Les yechivot connaissent leur heure de gloire avec à leur tête les Nahman ben Sunbal, Samuel Haguiz, Judah Uziel et Saul Serrero, dont les successeurs maintiendront un haut niveau de savoir. On établit la dignité de naguid, ou chef de la communauté au début du XVIe siècle.
Lorsque les Saadiens accèdent au pouvoir en 1550, le déclin économique et politique de la ville se traduit par l'exode des familles juives aisées. En revanche, les Alaouites et Moulay Rachid redonnent espoir à la communauté; par exemple, près de 1 300 familles partent de Dila pour s'installer Fès.
Entre 1720 et 1750, les Juifs gardent difficilement les monopoles qui leur étaient traditionnellement octroyés (frappe de la monnaie, commerce du tabac), mais ils maintiennent leurs activités dans l'artisanat, l'orfèvrerie, le tissage et la confection. La fin du XVIIIe siècle est marquée par une nouvelle période de grandes difficultés.
Le sultan Moulay Yazid persécute des Musulmans et des Juifs, le mellah est pillé et les synagogues détruites. Les Juifs n'y reviendront que deux ans plus tard grâce à l'intervention de Moulay Sulaiman. Les exactions des Oudayas et la destruction, en 1832, du nouveau mellah,commémorées par le "Pourim del Kor", n'empêchent pas les Juifs de Fès de poursuivre la création de nombreuses écoles, de faire fonctionner leurs cinq yechivot et une importante société de bienfaisance; en outre, une école de l'Alliance Israélite Universelle voit le jour en 1884. Tombée en 1911 aux mains de tribus berbères hostiles à la colonisation européenne, la ville est mise à sac. Le mellah et ses 12 000 habitants sont également victimes de ce que les Juifs qualifient de séisme ou de tritel en arabe.
Le sultan assure leur protection en les accueillant dans son palais. La ville est prise en 1912 par les troupes françaises à l'appel du sultan Moulay Hafid. Son successeur, Moulay Youssef, ainsi que le résident général Lyautey transfèrent alors la capitale du royaume à Rabat.
Les Juifs n'hésitent pas à quitter le mellah dès 1925 pour s'installer dans les quartiers résidentiels européens. Ils devront toutefois y retourner, lorsque s'appliqueront les lois raciales du régime de Vichy (1942). Après la Seconde guerre mondiale, la population juive qui comptait près de 22 484 personnes commence à décliner et s'établit à Casablanca, en Israël, en France et au Canada. On estime de nos jours à quelques centaines le nombre de Juifs qui habitent Fès.
Les métiers juifs étaient fort variés à Fès, surtout dans le travail de l'or et des métaux précieux; les tréfileurs, fabricants de fil d'or ou d'argent étaient les plus nombreux avec près de 700 ouvriers en 1930. La confection était souvent un métier que les femmes faisaient à domicile. Les Juifs ont également pris le monopole de la fabrication des peignes à carder la laine et le chanvre. L'activité artisanale des m'alem (maîtres-artisans) était souvent préférée à celle du commerce; mais à Fès on trouve aussi de riches marchands de draperies, de tabac et de chanvre indien (kif), des courtiers, des distillateurs et des vendeurs de denrées alimentaires. Enfin, on trouve des petits commerçants dans le mellah et la médina (colporteurs, petits prêteurs, marchands de fruits, etc). La communauté compte aussi de nos jours des avocats, des propriétaires fonciers, des industriels et des médecins. Parmi les figures qui ont marqué l'histoire de la communauté juive de Fès, on peut citer : Les familles Abensour, Abitbol, Elbaz, Hota, Ibn Danan, Monsonego, Serero et Serfaty.