Camps de concentration. Chez nos frères maghrébins
Les juifs d'Algérie et de Tunisie, les deux autres colonies françaises d'Afrique du Nord, n'échapperont pas plus que le Maroc aux lois antisémites de Vichy. À Alger comme à Tunis, les autorités françaises leur imposent un numerus clausus (quotas) dans les professions libérales, un inventaire de leurs biens, etc. En Algérie, les autorités françaises vont même plus loin qu'au Maroc. En 1940, le décret qui accordait la nationalité française à tous les juifs algériens est abrogé, renvoyant ces derniers à leur statut d'indigènes. Comme au Maroc, les colonies arabes de la France auront aussi droit à leurs camps d'internement. Dans le cas de l'Algérie, les juifs étrangers essuient les plâtres, bientôt rejoints par tous les ?indésirables' de l'Algérie vichyste : gaullistes, communistes et francs-maçons. La France de Vichy poussera le cynisme jusqu'à interner les soldats juifs algériens, auparavant mobilisés dans l'armée française. La guerre perdue, ils ne peuvent plus servir de chair à canon, ils sont devenus quantité négligeable. Envoyés dans des camps situés sur la frontière maroco - algérienne, ils participeront à la construction de la ligne de chemin de fer du Transsaharien. De l'autre côté de la frontière, à quelques kilomètres, des juifs étrangers internés oeuvrent aussi à ce grand projet ‘’civilisateur’’. Une manière pour la France de Vichy d'optimiser sa main-d'oeuvre esclave. Réputé pour sa dureté, le camp de Djenen-bou-Rzeg (dans le sud oranais) est un bagne où les militaires français, souvent membres de milices fascistes, manient la cravache de bon coeur et usent de sévices corporels. Contrairement au Maroc, le débarquement américain de novembre 1942 ne mettra pas fin à leur calvaire. Bien au contraire. Plus de 12 000 appelés juifs, exclus des unités combattantes françaises, sont envoyés aux camps de Bedeau à partir de janvier 1943. La fermeture des camps algériens ne commencera que fin avril 1943. En Tunisie, la situation des juifs est pire encore. L'Allemagne nazie occupe le pays pour contrer l'offensive américaine en Afrique du Nord. Une quarantaine de juifs tunisiens en feront les frais. Ils seront déportés dans des camps d'extermination en Autriche et en Allemagne. Un monument aux morts en déportation, érigé à Tunis, égrène leurs noms. Comparaison n'est pas raison, mais les juifs marocains n'ont pas connu une telle horreur.
Par Karim Boukhari et Hassan Hamdani