Le 26 février 1961 le roi Mohammed V était endormi dans la clinique du palais à Rabat, pour subir une banale intervention sur la cloison nasale. Il ne devait jamais se réveiller.
La douleur du peuple marocain a été d’autant plus intense que le souverain bien-aimé se portait à merveille jusqu’à cette opération bénigne. Huit jours plus tard le Maroc fêtait son nouveau roi. La liesse séchait les larmes. Mais le deuil était impossible à faire car Mohammed V a été l’âme de l’indépendance du pays. Son exil en 1953 avait cristallisé les forces vives de la nation. Quand il était revenu en novembre 1955, deux millions de personnes l’avait acclamé entre l’aéroport et le palais de Rabat. Certains bivouaquaient depuis trois jours pour ne pas manquer l’événement. La même foule se recueillait six ans plus tard : 600 000 Marocains attendaient émus le passage de son cercueil. Des femmes s’évanouissaient par centaines sous le soleil accablant. A 15 h 30, le cortège funèbre s’ébranlait alors que des dizaines de milliers de voix brisées par l’émotion scandaient « Allah est grand ». Le souverain alaouite doit être inhumé avant le coucher du soleil comme le prescrit le Coran. Il fallut trois heures pour parcourir quelques centaines de mètres le long des remparts rouges. Le prince Hassan menait le deuil avec son frère cadet Moulay Abdallah. Huit jours plus tard, il devenait le roi Hassan II et succédait à son père ; le carrosse rouge et or remplaçait l’attelage de deuil. A son côté, une princesse de 6 ans, la petite dernière que Mohammed V choyait tout particulièrement : Lalla Amina. Sa naissance avait adouci les rigueurs de l’exil à Madagascar : elle était devenue l’enfant de la liberté. Et la foule acclamait autant ce symbole que son nouveau