Soly Anidjar
Nombre de messages : 42588 Age : 72 Date d'inscription : 13/07/2006
| Sujet: Re: ANCIENS COMBATTANTS MAROCAINS Lun 11 Jan 2010 - 17:04 | |
| Combien de Marocains ont combattu pour la France ? 40.398 durant la Première Guerre mondiale, 85.000 durant la Seconde et plusieurs milliers au cours de la guerre d’Indochine. En tout, 170.000 cartes de combattant leur furent attribuées. Le sang qu’ils ont vaillamment versé sur le champ d’honneur a créé une fraternité d’armes qui, par-delà les vicissitudes de l’Histoire, a permis le développement d’une mémoire commune dont la participation d’un détachement de la Garde Royale au défilé du 14 Juillet porte témoignage. Paris, 1919. Aux côtés des drapeaux des différentes autres unités françaises qui ont participé à la guerre de 1914-18, ceux du 2ème RMSM (Régiment de marche des spahis marocains) et des 1er et 2ème RMTM (Régiment de marche des tirailleurs marocains) défilaient fièrement sous les applaudissements et autres encouragements des milliers de personnes venues assister à la Fête de la Victoire. Reconnaissables au croissant qui ornait leurs fanions, ces soldats d’élite que les Allemands appelaient "Hirondelles de la Mort" avaient inscrit certaines des pages les plus glorieuses du premier conflit mondial. De l’Ourcq à Soissons et de l’Aisne à Verdun, en passant par la Champagne et la Macédoine, ils prirent partie aux multiples campagnes qui, de la terre de France à la Bulgarie, décideront du sort du monde. S.M. Mohammed V, que le Général de Gaulle a fait Compagnon de la Libération, l’évoquera dans la lettre lue le 3 septembre 1939 dans toutes les mosquées du Royaume et par laquelle il a décidé l’entrée du Maroc en guerre aux côtés des Alliés. Après avoir noté que "Le douloureux souvenir que la dernière guerre a laissé à tous n’est pas effacé de vos mémoires", le Père de la Nation rappellera que "La victoire a couronné les étendards de la France et de ses alliés, parmi lesquels le Maroc figure fièrement". "C’est aujourd’hui que la France prend les armes pour défendre son sol, son honneur, sa dignité, son avenir, et les nôtres, que nous devons être nous-mêmes fidèles aux principes de l’honneur de notre race, de notre Histoire et de notre religion", a ajouté le Souverain. Aussi, a poursuivi S.M. Mohammed V, "A partir de ce jour et jusqu’à ce que l’étendard de la France et de ses alliés soit couronné de gloire, nous lui devons un concours sans réserve, ne lui marchander aucune de nos ressources et ne reculer devant aucun sacrifice". "Nous étions liés à elle dans les temps de tranquillité et d’opulence et il est juste que nous soyons à ses côtés dans l’épreuve qu’elle traverse et d’où elle sortira, Nous en sommes convaincu, glorieuse et grande", a-t-il conclu. En ces temps, les troupes marocaines stationnées sur le territoire national étaient composées de quatre régiments de tirailleurs (1er, 2ème, 4ème et 7ème RTM), de trois régiments de spahis (1er, 2ème et 3ème RSM), de deux régiments d’artillerie (les 63ème et 64ème), de deux bataillons de génie, de 25 compagnies du train et de 57 goums. Celles qui l’étaient en territoire français se composaient de quatre régiments de tirailleurs (3ème, 5ème, 6ème et 8ème RTM) et d’un régiment de spahis (4ème RSM). Soit 38.000 hommes au moment de la mobilisation de septembre 1939, que des centaines d’autres conscrits rejoindront par la suite. De 1939 à 1945, ils furent de tous les combats et vécurent l’humiliation de la défaite et l’ivresse de la victoire. De la campagne de 1939-1940 où le Blitzkrieg démontrera sa toute puissance, à celle de Tunisie (1942-1943), en passant par les campagnes d’Italie (1943-44), de France, d’Allemagne et d’Autriche, le sang marocain a balisé les chemins qui ont conduit à la défaite nazie. Cinq ans plus tôt, l’Armée française, défaite, s’est dispersée et désunie. Ceux qui ont choisi de continuer le combat se sont regroupés autour du Général de Gaulle pour lutter aux côtés des forces du Commonwealth britannique. Les autres, la grande majorité, ont décidé de demeurer dans la légalité et de servir la France non-occupée, en Afrique et au Levant. Le premier affrontement s’est produit en Syrie et au Liban. Les troupes de carrière du Général Dentz, assaillies par les Australiens et les Indiens, se battirent farouchement devant Beyrouth avant de s’opposer vigoureusement aux Français Libres au sud de Damas. Le deuxième choc a lieu sur les plages du Maroc et d’Oranie où des troupes américaines débarquèrent. Les combats parfois très meurtriers ont néanmoins cessé très vite et les Français reprirent enfin la lutte contre les troupes de l’Axe déferlant sur la Tunisie. Tandis que se déroulaient les opérations contre les forces germano-italiennes et que les soldats français acquirent le respect et l’estime des Alliés, le réarmement de la nouvelle Armée d’Afrique est entrepris. Des Etats-Unis arriva, par bateaux, le matériel moderne nécessaire. Chars, canons, véhicules, armement, habillement, postes-radio... affluèrent dans les ports d’Alger, d’Oran puis de Casablanca. Le Maroc s’est ainsi transformé en un immense camp d’entraînement où les régiments de spahis, de tirailleurs, de chasseurs et d’artillerie d’Afrique sont mis sur pied, manœuvrant et s’initiant au combat moderne. Les mauvais souvenirs de la malheureuse campagne de 1940 sont oubliés et chacun ne songe qu’aux batailles futures pour la Libération. La fusion des troupes d’Afrique du Nord et d’A.O.F. avec celles venues d’Egypte et du Tchad est alors théoriquement réalisée. Déjà certains de ces éléments, chasseurs du bataillon de choc, goumiers, spahis et tirailleurs marocains ont croisé le fer en Corse avec les Allemands. Ainsi, à la fin de 1943, une partie de la nouvelle armée d’Afrique, entièrement rééquipée à l’américaine, est prête à rejoindre l’Italie pour combattre dans les rangs de la 5ème Armée U.S. La suite peut être narrée comme une chronologie. Décembre 1943 : Les Tirailleurs marocains de la 2ème DIM montèrent en ligne dans les Abruzzes, au nord de Naples, en avant-garde de l’Armée française reconstituée. Janvier 1944 : Algériens, Tunisiens et Marocains enfoncèrent le front allemand, traversèrent le Rapido au nord de Cassino et se heurtèrent aux puissantes défenses de la ligne Gustav. Mai 1944 : Quatre divisions et les Tabors du CEF franchirent le Garigliano, percèrent le dispositif allemand au nord de Castelforte et, dans un élan irrésistible, s’élancèrent à travers la montagne, prenant à revers les défenseurs de la vallée du Liri. Juin 1944 : Bousculant les réserves allemandes, les troupes françaises composées notamment de Marocains, d’Algériens et de Tunisiens, rejoignirent les Américains venus d’Anzio et ouvrirent la route de Rome. Plus au nord, au large des côtes italiennes, les éléments de la 9ème division coloniale, du bataillon de Choc, des commandos d’Afrique et des Tabors prirent d’assaut les défenses redoutables de l’île d’Elbe. Juillet 1944 : Après une poursuite effrénée à travers la Toscane, Sienne tomba intacte aux mains des Français. Déjà les unités de la première DIM avaient quitté le front pour se rassembler près du littoral des Pouilles avant de débarquer en Provence. Le Corps expéditionnaire français d’Italie vit ses derniers jours. Son chef, le général Juin, salua les troupes qui ont combattu sous ses ordres : "Renouvelant les exploits accomplis naguère sur ce même sol par tant de héros de notre race, vous avez hâté l’heure de la Libération et projeté, sur le monde étonné, l’image de l’Armée française renaissante, intervenant sur le front d’Italie comme facteur déterminant de victoire. Votre tâche n’est pas finie. Dans les jours qui vont suivre, vous aurez encore à combattre et à vaincre. Où que vous alliez, vous vous montrerez forts, unis et confiants, pareils à ce que vous fûtes toujours ici, au cours de cette inoubliable campagne". Dès août 1944, les deux divisions marocaines et les Tabors arrivant par échelons entamèrent une nouvelle campagne à partir des rivages de Provence tandis que le 1er Régiment de marche de spahis marocains qui, depuis l’Erythrée, combat dans les rangs des FFL (Forces françaises libres), débarque en Normandie avec la fameuse 2ème DB du général Leclerc. Dix mille goumiers entrèrent ainsi en action et, à partir du 16 août, trois groupes de Tabors rejoignirent la 3ème DIA. En huit jours, ils arrivèrent à libérer Aubagne puis pénétrèrent à Marseille. Dès le 25 août la 2ème DIM commença à débarquer et reçut aussitôt pour mission de couvrir et de protéger la progression des troupes américaines se dirigeant vers Grenoble et Lyon. Entre-temps, le 4ème RTM renforcé par les Tabors libéra Briançon et le 5ème RTM jettera les troupes nazies hors de Modane. Vers la mi-octobre, le 6ème RTM a conquis un important sommet des Vosges alors que le 8ème RTM pénétra à Thann, que la 2ème DIM libéra Hélicourt et Montbéliard en novembre et qu’en janvier 1945, cette dernière et la 4ème DMM aideront à la réduction de la poche de résistance de Colmar. En quittant l’Alsace libérée, les troupes marocaines vivront au rythme des hauts faits d’armes qui ponctueront les campagnes d’Allemagne et d’Autriche ainsi que la guerre d’Indochine. Sur leur chemin, ils ont écrit certaines des pages les plus glorieuses de l’Histoire de la Libération dont les carrés musulmans des cimetières militaires ainsi que les multiples monuments et stèles commémoratives témoignent.
Les goumiers, une légende vivante | Leur mise sur pied eut lieu dans la clandestinité de 1941 à 1943, au cœur du Haut-Atlas, camouflés en compagnies de travaux forestiers ou de travaux de piste, à la barbe de la commission d’armistice allemande et avec la complicité active des populations, sans qu’aucune fuite ne vînt jamais les trahir. Dès décembre 1942, ils participèrent à tous les combats : en Tunisie, ils furent envoyés en renfort des troupes de couverture du "détachement de l’armée française" commandé par le général Juin pour contenir les troupes du maréchal Kesselring. Le rôle qu’ils jouèrent dans cette bataille leur donna l’estime du général Mark Clark, commandant de la 7ème US Army et du célèbre général Patton qui allaient alors faire appel à eux pour les soutenir dans leurs offensives contre l’armée allemande. Jamais ils ne firent défaut, payant de leur sang la victoire de la démocratie et de la liberté des peuples. Et le 16 juin 1945, le 1er et le 2ème du GTM (Groupement de tabors marocains) défilèrent à Paris et passèrent sous l’Arc-de-Triomphe acclamés par une foule en délire rendant hommage à leur courage. Le 24 juin, les goums défilèrent fièrement à Stuttgart devant S.M. Mohammed V et le Général de Gaulle. "Les goumiers marocains" André Fougerolles Montagnes marocaines, 3 juin 1995 goumiers Pour la gloire… Légende vivante, les goumiers marocains ont tissé des liens indélébiles entre deux nations séculairement amies. Tombés dans l’oubli pendant des années, ils voient aujourd’hui leurs sacrifices reconnus. Comme tous les samedis, ils sont à l’heure. Ils ne manqueraient pour rien au monde ce rendez-vous qu’ils se donnent depuis plus de quarante ans. Marcel, le patron du café de la Place du Marché, à Lyon, est à chaque fois ému quand ces vieux Marocains s’attablent autour d’un "petit noir" pour ressasser leurs souvenirs. Il y a Ali "le goumier", un brave type originaire de Taïneste ; Ahmed "le prisionnier" qui fut arrêté par les Allemands dans le nord de la France ; Bouchaïb "le kabran", un solide gars du Haut-Atlas qui termina la guerre avec le grade de caporal ou Hamid "Mon chien" qui doit son surnom au fait qu’il ait, au péril de sa vie, sauvé la vie d’un jeune chiot. Leurs histoires, il les connaît par cœur. Des histoires d’armes, d’amitié et de fraternité qui unissent viscéralement ces goumiers. A les entendre, "Rambo" n’est qu’une mauviette. Eux, sont de vrais soldats qui ont vraiment fait la guerre. Symboles vivants de la revanche de 1940, ils assurent avec fierté être les artisans des succès d’armes de la France. Vainqueurs des campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne, les goumiers marocains ont été les garants du renouveau de l’Armée française. De cela ils sont sûrs et le répètent à qui veut l’entendre. Soldats de métier, ils racontent comment ils ont été recrutés dans le Haut-Atlas, en pays berbère, et comment, eux, les goumiers allaient s’illustrer par leur bravoure et leur courage dans les moments les plus décisifs, les plus stratégiques au sein de l’armée française contre les nazis puis en Indochine plus tard. Ils décrivent avec précision, comme si c’était hier, comment le Maroc a été transformé en un immense camp d’entraînement où les régiments de spahis, de tirailleurs, de chasseurs et d’artillerie d’Afrique sont mis sur pied, manœuvrant et s’initiant au combat moderne. Et comment dès 1942, ils ont croisé le fer avec les Allemands. Certains poussent la légende jusqu’à dire qu’ils ont combattu Hitler en personne ! Aux côtés d’Américains, d’évadés des prisons espagnoles ou d’engagés volontaires, les goumiers marocains ont durement acquis leur réputation et leurs décorations que certains d’entre-eux continuent d’exhiber fièrement aux grandes occasions. Beaucoup de leurs frères sont morts, d’autres sont handicapés ; mais de ces moments tragiques, ils ne gardent que de bons souvenirs et des anecdotes hilarantes qu’on aime écouter inlassablement. D’ailleurs, de nombreux jeunes viennent retrouver ces anciens combattants, témoins vivaces d’un riche et glorieux passé. Avec leur langue - un mélange de français et d’arabe dialectal - ils savent mieux que quiconque exprimer les liens de sang qui unissent les nations marocaine et française. Si, pendant de nombreuses années, on a eu tendance à oublier ces goumiers - dont un grand nombre sont retournés dans leur montagne avec une pension réduite - des milliers sont restés en France à la fin de leurs états de service. Et toujours, ils ont défendu leur cause rappelant contre l’oubli que sans leur héroïsme, si l’Allemagne avait gagné, la face du monde aurait été changée. Aujourd’hui, ils apprécient - même si elle est tardive - cette reconnaissance qui les met sur les devants de la scène militaire. Ceci fait dire à Ali "le goumier" : " On n’a plus l’impression d’être pris pour de simples guignols armés. C’est notre plus grande victoire depuis la fin de la guerre". En effet, depuis la création de la "Koumia", association des anciens des affaires indigènes et goums marocains, en 1995, et la participation des tirailleurs marocains aux défilés commémorant les grandes victoires guerrières françaises, de grands efforts sont entrepris pour rattraper le "temps perdu". La présence de S.M. le Roi et de la Garde Royale au défilé du 14 Juillet, aux côtés du Président Jacques Chirac, marque cette volonté commune qui souhaite que "(*) la mémoire soit une leçon et un enseignement pour ne jamais plus courir l’aventure".Fatima El Ouafi (*) S.M. le Roi Hassan II, en juin 1995, devant les représentants de la "Koumia" |
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