LA HAGGADAH DE PESAH, une version amazighe
P. Galand-Pernet et H. Zafrani, Une version berbère de la Haggadah de Pesah, Texte de Tinhir du Todrha (Maroc), Paris 1970, Supplément au tome XII des Comptes rendus du G.L.E.C.S.
H. Zafrani, Littératures dialectales et populaires juives en Occident musulman, P. Geuthner, Paris.
«... La Haggadah de Pesah est une composition liturgique récitée au cours de la veillée pascale. La pâque juive est célébrée du 14 au 22 Nisan, soit pendant huit jours, durée légale de la fête. Par la récitation de la Haggadah, les juifs commémorent un événement capital de l'histoire juive, la sortie d'Égypte et la libération du peuple juif de l'esclavage pharaonique.
La version de la haggadah de Pesah qui est présentée a été recueillie par H. Zafrani au cours d'une enquête sur l'enseignement traditionnel juif au Maroc. C'est le premier texte berbère issu d'un groupe juif maghrébin à être publié. Il offre un double intérêt : pour les études juives d'une part, en tant que texte traditionnel appartenant à des communautés dont l'origine pose bien des problèmes, pour les études de linguistique berbère d'autre part, en tant que témoignage de langue venant de groupes distincts des populations musulmanes. Si les études antérieures sur les Juifs marocains faisant état de berbérophones, aucun échantillon de parler berbère juif, une dizaine de lignes exceptées, n'avait été noté. L'émigration et la dispersion des communautés juives berbérophones du Maroc, au cours de ces dernières années, donne plus de prix encore à cette Haggadah berbère.
...»
Nous reproduisons ci-dessous une partie de ce texte liturgique avec la traduction en français
s tarula ay s neffagh gh masêr. ayddegh
n ughrum ur imtinn da ttecan
lewaldin nnegh gh maser. kullu mad yagh
lâz iddu ad itec, mad yagh fad iddu
ad isu. asegg°as ddegh gh tmazirt ddegh ;
imal gh bit lmekdes.
C'est par la fuite que nous sommes sortis d'Égypte. En fait
de pain, c'est un pain non levé qu'ont mangé
nos ancêtres en Égypte. Que tous ceux qui ont
faim aillent manger, que celui qui a soif aille
boire ! Cette année-ci, nous sommes dans ce pays-ci ;
l'an prochain au Lieu Saint.
man nhya i yîd ddegh man kull iydân ? kullu
y idân ur da nttduwaz awd yut tikkelt,
îd ddegh snat tikkal.
Quelle différence y a-t-il entre cette nuit-ci et toutes les autres nuits ? Toutes
les autres nuits, nous n'avons pas l'habitude de manger trempé, nous ne le faisons jamais :
cette nuit-ci, nous le faisons deux fois.
kullu îdan nekk°ni da ntteca wenna
y imtenn negh ur imtinn, îd ddegh wadda
ur imtinn.
Toutes les autres nuits, nous, nous avons l'habitude de manger quoi que ce soit
de levé ou de non-levé, cette nuit-ci
ce qui n'est pas levé.
kullu îdan nekk°ni da ntteca, nsu, swa
negh°zdem swa negg°en, îd ddegh akk° negh°zdam.
kullu w îtan nekk°ni da ntteca aydda nufa
l lex°dêrt, îd ddegh, lmarur.
Toutes les autres nuits, nous avons, nous, l'habitude de manger et de boire soit
assis soit étendus, cette nuit-ci, nous le faisons tous assis.
Toutes les autres nuits, nous avons, nous, l'habitude de manger ce que nous avons trouvé
en fait de légumes, cette nuit-ci, nous mangeons de l'amer.
ixeddamen ay nga i peràu g° masêr. issufgh agh
rebbi nnegh dinnagh s ufus n ddrà, s ufus
ikuwan. mur ur agh issufgh rebbi lwaldin
Serviteurs de Pharaon, voilà ce que nous étions en Égypte. Il nous en fit sortir,
notre Dieu, là, par un bras fort, par un bras
robuste. Si Dieu n'avait pas, pour nous, fait sortir nos parents
nnegh gh masêr, nsul nekk°ni d isirran
nnegh ixeddamen nga i peràu gh masêr.
waxxa nla làkel, nla lfehemt,
waxxa nssen turat, lazm nnegh an nàawed
gh ufugh n masêr. kullu mad d isgudiyn ad d iàaud
gh ufugh n masêr, tannit waddagh ituskar.
d'Égypte, nous serions encore, nous et nos enfants,
les serviteurs du Pharaon en Égypte.
Même si nous possédons intelligence et entendement,
même si nous savons la Torah, il nous faut répéter
ce qui à trait à la sortie d'Égypte. Quiconque accumule les récitations
de la sortie d'Égypte, est, vois-tu, digne de louanges.