C’était il y a longtemps, en 1883, à Cracovie, en Pologne, à une époque où, dans les familles juives, on ne poussait pas beaucoup les jeunes filles à envisager des faire des études profanes ou d’entreprendre une carrière prestigieuse. Au sein d’une famille très religieuse de hassidim, les Schnierer, naît une petite fille que l’on prénomme Sarah.
Après une enfance et une adolescence heureuses, la petite Sarah, après l’obtention de son diplôme de l’école élémentaire, est placée en apprentissage chez une couturière.
La famille n’est pas très riche et un salaire d’appoint serait le bienvenu.Très vite, Sarah, qui a du caractère, apprend le métier qui lui est en somme imposé et devient une excellente couturière.
Elle peut, désormais, aider financièrement ses parents. Mais son esprit est ailleurs. Elle a une passion, hélas réservée, à l’époque, en Pologne, aux hommes : la religion. Et quand son frère, un jour, part pour étudier à la yeshiva, elle a du mal à retenir ses larmes. Comme elle aurait aimé faire pareil ! Mais qu’à cela ne tienne ! Il faut faire contre mauvaise fortune bon coeur. En cachette, la nuit, elle emprunte des livres de Thora dans la bibliothèque de son père et de son frère. Et elle lit, elle lit, elle lit… Avec une passion dévorante. «Et si je trouvais un moyen, moi aussi, d’étudier plus à fond la Thora et de transmettre mon savoir à des jeunes filles juives ?» se dit Sarah en rêvant tout éveillée.
1914. C’est la Guerre. La Première Guerre mondiale. Les Schnierer se réfugient à Vienne, en Autriche. À la synagogue où officie le rabbin Fleish, elle est impressionnée par la bonté qui émane de cet homme et, un jour, elle franchit le pas, elle ose l’aborder : «Rabbi, depuis ma plus tendre enfance, je suis passionnée par la Torah. Je trouve injuste que nous, les filles, soyons systématiquement écartées de l’étude. Comment pourrait-on faire pour modifier cet état de fait ?» À son grand étonnement, loin de la sermonner, le rabbin lui donne un conseil : «Lisez donc les oeuvres de Raphaël Hirsh et de Marcus Lehman.Vous y trouverez toutes les réponses à vos questions».
En économisant sur sa nourriture, Sarah Schnierer achète les précieux ouvrages et, effectivement, elle y trouve la base de ce qui va désormais être son combat.
1918. La Guerre est finie. Sarah, qui a trente-cinq ans, se lance dans son projet éducatif pour les filles. Dans son appartement, un petit deux pièces, elle crée une école pour les petites filles juives. Et c’est le succès. Quatre-vingt fillettes inscrites. Il faut agrandir les locaux. Le réseau “Beth Yaacov” est né.
En 1924, avec l’aide du mouvement Agoudat Israël, le réseau passe à un stade professionnel. En 1931,“Beth Yaacov” occupe un immeuble de cinq étages.
En 1933, Sarah, qui a épousé le rabbin Landau est désormais une icône des jeunes filles juives polonaises. Elles sont trente mille à suivre les cours donnés par l’institution qu’elle a créée.
Sarah Schnierer s’est éteinte en 1935, usée par la tâche immense qu’elle avait décidé d’assumer.